La Bâtie : 47e édition
Le proche, le lointain, et La Bâtie-Festival de Genève comme un pont. Le désir de faire passer les spectacles, les concerts, les envies de découvertes et l’actualité des scènes internationales caractérise à plus d’un titre cette 47e édition. Le territoire local s’agrandit au gré des invitations et des collaborations : par exemple, les 14 représentations du spectacle itinérant de Sarah Calcine Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas, et les 4 dates de différents concerts relient en zigzag Nyon, Cergy, Gex, Satigny, Bernex, Collonge-Bellerive et nous amènent jusqu’à Fort l’Écluse, Yvoire, Scientrier… Ici, on s’équipe d’un passeport, d’un vélo, on covoiture pour explorer le territoire et découvrir les nouveaux formats de ces spectacles nomades. Là, on met à disposition quelques chaises, un terrain, une place, un parking pour un camping-car transformé en scène de théâtre. La marge devient le centre de créations légères, mobiles, intimes. Plus on s’éloigne, plus on est proches.
D’autres ailleurs viennent garantir cette diversité indispensable à l’entrechoc des réalités qui éclaire l’actualité. Les festivals ont un rôle important à jouer pour encourager cette diversité artistique, soutenir les créateur·rice·s d’ailleurs et les échanges avec les artistes locaux·ales. Grâce à une réflexion collective et collaborative avec d’autres programmateur·rice·s, le Festival La Bâtie poursuit l’ouverture des territoires et des imaginaires et accueille cette année des artistes du Liban : ainsi Ali Chahrour, Hiba Najem, Issam Bou Khaled & Sarmad Louis et Hashem Hashem témoignent-ils et elle à travers leurs spectacles du contexte social, économique et religieux de leur pays. Leurs pièces côtoient les productions des répertoires récents de la 2B Company de François Gremaud, du circassien Alexander Vantournhout, de la musicienne Andrina Bollinger ou encore du chorégraphe Trajal Harrell.
Sur les scènes de cette édition, les énergies servent moins la colère que la démonstration par la preuve des objets des dénonciations de notre décennie. On témoigne et on informe, on s’explique. On y met du panache, et parfois de l’humour. Pour briser les stéréotypes exotiques du passé, Amanda Piña, artiste à l’héritage culturel chilien, mexicain et autrichien, réhabilite par sa dernière création les artistes racisé·e·s et invisibilisé·e·s en les faisant évoluer dans une ambiance de jungle tropicale inspirée des scénographies Art déco. Dans le but de donner une voix aux personnes historiquement empêchées, la compagnie sud-africaine Empatheatre travaille en collaboration étroite avec des groupes sociaux silencieux. L’artiste uruguayenne Tamara Cubas s’entoure quant à elle d’une vingtaine de jeunes artistes genevois·es pour donner la parole, à travers une performance inédite, aux zoomers dont la jeunesse est perçue comme une force monstrueuse, résultat du choc entre le passé, le présent et le futur.
Et comme pour adoucir les soubresauts de ce monde chahuté, trois pièces d’actualité font battre le cœur du programme du Festival La Bâtie : Mitten wir im Leben sind/Bach6Cellosuiten de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker et du violoncelliste Jean-Guihen Queyras, le concert tant attendu de la compositrice et organiste américaine Kali Malone sur le grand orgue de la cathédrale Saint-Pierre et, en ouverture, l’inclassable One Song de l’artiste Miet Warlop. Hybridation d’une rencontre sportive et d’un concert punk, ce spectacle obsessionnel et obsédant donne le pouls d’une programmation à la vitalité inépuisable.
Claude Ratzé
et l'équipe de La Bâtie-Festival de Genève